L’Aquaparc

Je marchais dans les effluves d’une vapoteuse et l’odeur m’écoeurait autant que le mot. Je ne suis pas au fait des saveurs offertes, mais j’avais l’impression d’inhaler la fumée secondaire d’un muffin.

Comme à chaque année, l’été me glissait entre les doigts. Il ne restait qu’une semaine à juillet, et parce que je suis toujours affectée par le spectre de la rentrée scolaire, même plusieurs vies après ma dernière année d’école, le mois d’août est une fausse balle. J’aime ça, les métaphores estivales.

Coincée dans le fond du wagon contre la grosse sacoche en cuirette d’une madame moins souriante que moi, j’avais chaud. Ma tête est partie de reculons dans ces anciennes vies-là et j’ai eu un accès de nostalgie pour ce parc aquatique jadis adjacent à la Ronde et dont apparemment personne ne se souvient, où les power ballads rythmaient nos après-midi à ne rien faire dans les piscines trop chaudes et trop chlorées. J’ai tenté de me décoller du gros sac à main comme on se pèle, tout nu, d’un divan en cuir.

Des glissades d’eau accessibles en métro, ça ne m’avait jamais autant parlé qu’à ce moment-là, radio FM en moins. Pourquoi faire compliqué? Plutôt que de descendre vers le Montréal des affaires, j’aurais transféré à Berri-de-Montigny et débarqué à l’Île-Ste-Hélène pour aller me faire peur tout en haut de l’Express, le coeur dans la gorge et les cheveux cotonneux, à 68° d’inclinaison sur le dernier album de Grizzly Bear. Avec la bonne musique, presque tous les projets sont parfaits. Quantesse que tout avait arrêté d’être simple, donc? Dans une vie de grande personne, ça prend des petits Aquaparcs de l’âme.

Sur ces pensées, je suis sortie machinalement du wagon pour suivre les autres marionnettes. En haut des marches, je me suis arrêtée devant les mots « Palais des Congrès ». Pourquoi c’était mal, donc, que je sois là? Parce que mon nouveau travail était à Square-Victoria-OACI (whatever the hell that means). Fascinante mémoire des gestes ; je devais réajuster mon cruise control. Je suis sortie dans l’humidité du matin et j’ai marché jusqu’au travail.

Fille d’un esprit libre et d’une planificatrice, j’ai les pieds dans le vide d’une glissade à pic, en équilibre entre responsabilités et vas-y glisse au péril de ton maillot, entre des cheveux que j’essaie de dresser dans un accès de conscience de moi, mais que j’abandonne le lendemain parce qu’on a la tête qu’on a. Pendant certains chapitres adultes, notre aiguille oscille du côté cartésien et coiffé du cadran, un peu malgré nos préférences, parce que la vie lance d’autres balles, celles-là courbes. On ne peut pas toutes les batter dans le fond du champ gauche. Descendre au mauvais arrêt, la tête occupée à autre chose, c’est pas mauvais, comme un petit check up sur l’état de notre capacité à juste laisser aller.

Avec Shields qui me jouait trop fort dans les oreilles, je suis arrivée en retard au travail et tout le monde s’en est foutu. Je ne me suis même pas arrêtée aux toilettes pour replacer mes cheveux.