Celui qui l’avait prise ne s’en souvenait probablement pas. C’était la photo simple d’un geste quotidien, celui d’une mère assise sur le bord d’un bain en train de brosser les cheveux de son enfant. Sur l’image, mon amie Mélodie, et debout entre ses genoux, sa fille, blonde comme elle.
J’avais vu passer la photo il y a une dizaine d’années et ne l’avais pas oubliée. Peut-être parce que la scène était plus grande que ce que l’objectif avait capté. De l’autre côté de la caméra, il y avait l’homme qui avait voulu figer pour toujours un bout de leur vie et de la douceur qui remplissait la pièce. Je l’imaginais accoté contre le cadre de porte de la salle de bain, témoin d’une routine qui un jour n’existerait plus. Il y a dans les petits gestes un amour plus grand que le temps, même quand ils tirent les cheveux de la nuque.
Moi, il y avait presque 6 ans que je faisait des selfies avec la mienne, ma petite fille brune comme moi, et presque autant d’années que je lui brossais les cheveux entre mes genoux sans une seule photo du geste.
Un mouvement a attiré mon attention à gauche. L’arbre devant la fenêtre se balançait avec le vent en nous regardant. J’ai fait une tresse dans des cheveux fins et droits, donné un bec dans un petit cou chaud. Elle s’est tournée et m’a dit qu’elle m’aimait plus que les dauphins. Plus tard, de cette époque elle aurait surtout des photos de nos visages à l’envers et en gros plan, mais j’étais assez certaine qu’elle porterait en elle toute la douceur et les rires qui avaient inondé cette pièce-là.