Le ciel comme un miroir

J’ai des souvenirs de moments difficiles baignés dans un soleil magnifique. Les jours suivant la mort de mon père, une peine de coeur au mois de septembre. On pense qu’il vaut mieux avoir la vie à l’envers sous un ciel ouvert, alors que la profondeur de son bleu nous reflète plutôt celle du trou béant qu’on a dans le ventre.

Dans le métro, j’ai vu une femme pleurer. Assise face à moi, elle essuyait rapidement chacune de ses larmes au moment même où elles touchaient sa joue. Le malaise autour. J’avais Damien Jurado dans les oreilles, trame sonore de circonstance.

J’ai hérité de mon père un élan spontané vers les étrangers; dans un ascenseur, sur un banc de parc, comme si le small talk était plus facile avec un inconnu. C’est hors caractère, un genre de plugin que les farouches n’ont habituellement pas.

J’ai enlevé mes écouteurs avant de lui effleurer l’épaule. Elle s’est tournée vers moi, j’ai demandé « Ça va? », et elle a fait oui de la tête, en replaçant ses cheveux. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me réponde autre chose.

Elle allait marcher sous le même soleil que moi, dans une odeur de printemps qui tarde, sensible à la fébrilité ambiante, espérant probablement un ciel bas et gris pour qu’on soit tous sur la même fréquence qu’elle.

Au métro Jean-Talon, j’ai eu une pensée pour mon père, et j’ai souhaité bonne soirée à l’homme qui me tenait la porte.